Remise de l'exposition « réfugiés et
déplacés d'Afrique » par Titouan Lamazou, un artiste français, à l'UNHCR
Sources :
http://www.unhcr.fr/cgi-bin/texis/vtx/news/opendoc.htm?tbl=NEWS&id=42a6bf1f4
Genève, 8 juin 2005, UNHCR – Le 1er juin
2005, dans le cadre des événements pour la Journée mondiale du réfugié,
Titouan Lamazou remet officiellement et gracieusement à l'UNHCR
certaines de ses œuvres, qui seront ensuite présentées au cours d'une
exposition itinérante « réfugiés et déplacés d'Afrique », destinée à
être prêtée aux collèges, lycées, universités et grandes écoles en
France pour l'année scolaire 2005-2006, pour sensibiliser les jeunes à
la cause des réfugiés et déplacés ainsi qu'à l'action de l'UNHCR.
Titouan Lamazou a été champion du monde de course au large à la voile de
1986 à 1990. Il a remporté la première édition du Vendée Globe (première
course en solitaire autour du monde sans escale) en 1990. En 1993, il a
abandonné sa carrière sportive pour se consacrer à une carrière
d'artiste. Avec ses stylos, pinceaux et appareils photo en bandoulière,
il parcourt le monde entier pour peindre, prendre en photo ou filmer en
vidéo des femmes remarquables, afin de publier des carnets de voyage.
Depuis le 12 mars 2003, Titouan Lamazou a été désigné par l'UNESCO «
Artiste pour la Paix », considérant qu'il aide à transmettre le message
de l'organisation concernant la promotion de la femme. Son travail a été
exposé au Musée du Louvre, à la fondation Cartier et au siège de
l'UNESCO.
La visite de Titouan Lamazou au Tchad s'inscrit dans le cadre de la
réalisation d'un ouvrage de 800 pages intitulé « Femmes du monde », dont
la parution est prévue pour octobre 2006. Il a notamment parcouru
pendant deux semaines les camps de réfugiés soudanais au Tchad, plus
particulièrement ceux d'Iriba, Bahaï, Goz Beida, pour réaliser des
portraits de femmes réfugiées et écrire sur les drames vécus au Darfour.
Titouan Lamazou a bien voulu partager deux de ses textes au sujet de
Halimé et Khadjidja, deux femmes réfugiées vivant dans le camp de Djabal,
à l'est du Tchad.
« Halimé appartient à l'ethnie des Fours, musulmans sahéliens modérés
non arabes. Des milices armées ont un jour surgi du ciel et par camions.
Ils ont bombardé, pillé et incendié le village. Ils ont tué les hommes
et volé le bétail. Halimé avait deux fils. Dans la panique, elle a vu
son aîné s'enfuir avec sa grand-mère. Elle ne sait pas ce qu'ils sont
devenus à ce jour et s'ils ont survécu. Ils ont égorgé le deuxième dans
ses bras, avant de l'embarquer avec six autres filles du village. Elle
est restée écartelée, attachée durant sept jours et en gardera les
marques à vie sur ses quatre membres. Pour finir, les janjawids les ont
abandonnées nues dans la brousse. Depuis environ six ou sept mois au
camp de Djabal, Halimé vit seule parmi 17 000 réfugiés. Le seul membre
de sa famille et de son village qu'elle ait revu est son frère. Mais il
l'a repoussée car elle avait « fauté » avec des janjawids, Halimé est
enceinte de huit mois »
« Non loin du secteur des Fours dans le même camp de Djabal, sont réunis
les Massalits, ethnie sœur sahélienne et musulmane, originaire du même
Darfour et victime des mêmes exactions des milices janjawid. Khadidja
remercie le ciel que son mari soit décédé de mort naturelle quelques
mois plus tôt, avant que les janjawids n'attaquent le village et
emportent son troupeau de 150 bœufs, trois chameaux, deux ânes et un
cheval... Les janjawids, leur forfait accompli, se sont ravisés et sont
revenus dans la nuit au village. Ils sont entrés dans la hutte et ont
tiré. Khadidja, laissée pour morte, eut de la chance en quelque sorte,
car la balle fut arrêtée par l'omoplate. Avec cruauté, les miliciens
s'appliquèrent à viser les genoux de chacune de ses deux filles. Mariam
et Fatimé, prostrées dans leur infirmité, écoutent une énième fois leur
mère raconter l'histoire de leur infortune. Les trois femmes n'ont plus
rien. Mariam a un enfant de trois ou quatre ans, seul sourire sous la
tente de l'UNHCR. Le père de l'enfant les a abandonnés. Que faire d'une
famille composée d'une vieille personne et de deux infirmes, qui ne sont
même pas capables d'assurer les corvées basiques quotidiennes du bois et
de l'eau ?... »
L'histoire de ces femmes est similaire à celle de milliers d'autres,
installées en territoire tchadien ou restées au Darfour vivant les mêmes
destins brisés qu'Halimé, Khadidja, Mariam et Fatimé.
« J'ai quitté la région plein d'un sentiment de tristesse, de
compassion, après avoir pris brutalement conscience des traumatismes
multiples que vivent les populations réfugiées ainsi que de l'ampleur de
la mission accomplie par les équipes humanitaires », avoue Titouan
Lamazou après avoir séjourné deux semaines dans les camps de réfugiés à
l'Est du Tchad.
Après le Tchad, l'artiste a continué son périple au Soudan, en Ouganda,
au Rwanda et en République Démocratique du Congo. Lors de ses
déplacements et ses séjours dans les différents pays, il a été assisté
par les bureaux de l'UNHCR. Il doit ensuite partir en Asie pour la
poursuite de son projet « Portraits de femmes ».
Par Djerassem Mbaïorem

Du haut du toit d'une voiture, Titouan Lamazou filme l'ensemble du camp
de Touloum, au Tchad. © G.Lebras |